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NOUS, les Représentants des pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel, des Organisations pastorales, agro-pastorales et agricoles de la région (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Tchad, Togo), nous sommes réunis à Nouakchott, à l’invitation du Gouvernement de la République Islamique de Mauritanie, du Comité permanent Inter-États de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS) et de la Banque mondiale, aux côtés des Commissions de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) dans le cadre du 10ème anniversaire de la Déclaration de Nouakchott de 2013 dite  » Nouakchott +10″.

En présence des représentants des Organisations Internationales, des Organisations Régionales, de la recherche scientifique et technique, des Organisations de la Société Civile- OSC, du secteur privé et des Partenaires Techniques et Financiers-PTF, nous nous sommes réunis en Forum du 6 au 8 novembre 2024 avec l’objectif d’évaluer le chemin parcouru depuis l’adoption de la Déclaration de Nouakchott en 2013 et d’identifier les nouveaux défis à relever pour le développement des élevages et la sécurisation des systèmes pastoraux au sein de l’espace régional.

Ce Forum a été enrichi par les concertations et travaux préparatoires menés de manière très approfondie par les acteurs de la société civile pastorale et agropastorale de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel ainsi que des projets de recherche et de développement qui ont significativement contribué au bilan de l’opérationnalisation de la Déclaration adoptée à Nouakchott en 2013, et mis en lumière les enjeux et défis persistants ou émergents dans le secteur de l’élevage et du pastoralisme, en vue d’alimenter cette nouvelle Déclaration au cours de ce Forum de haut niveau « Nouakchott +10 ».

CONSIDÉRANT LE CHEMIN IMPORTANT PARCOURU, NOUS, PARTICIPANTS :

Saluons les progrès accomplis dans l’amélioration de la prise en compte du pastoralisme dans les politiques publiques et les stratégies de coopération, résultant du premier Forum de Haut Niveau de Nouakchott sur le Pastoralisme au Sahel, organisé en octobre 2013, dans le sillage du colloque de N’Djaména en mai 2013. Au cours des dix dernières années, cet appel a suscité un regain d’intérêt très marqué des institutions nationales et régionales et de leurs partenaires au développement pour la sécurisation du pastoralisme. De nombreux projets régionaux ou nationaux ont ainsi vu le jour en s’inscrivant dans la mise en œuvre de ces engagements.

Dans ce contexte, les nombreux investissements réalisés ont été destinés entre autres à  améliorer l’accès des éleveurs aux services de santé animale, à sécuriser des aires de pâturage, des pistes de transhumance, l’accès à l’eau pour les troupeaux, à faciliter le commerce du bétail, à développer des cultures fourragères, à mettre en place des activités de transformation et de valorisation des produits pastoraux et à  renforcer la réponse aux crises pastorales, à renforcer les dispositifs de gestion des conflits, à renforcer les capacités d’intervention des organisations pastorales.

Dix ans après cet engagement pris au plus haut niveau pour soutenir le pastoralisme, de nombreux acquis ont été obtenus avec des impacts positifs notables pour les populations pastorales et agropastorales dans le domaine de la santé animale, de la gestion durable des ressources naturelles, du développement des chaînes de valeur du bétail et des infrastructures de production et de commercialisation, de l’inclusion sociale et économique des pasteurs vulnérables notamment les femmes et les jeunes, du renforcement des institutions en charge de l’élevage, et la bonne gouvernance des ressources partagées. Des acquis importants ont aussi été enregistrés dans la coopération transfrontalière entre pays côtiers et pays sahéliens, permettant de placer la transhumance et le commerce du bétail au cœur des échanges entre communautés et pays.

Un processus de dialogue multi- acteurs de haut niveau sur la transhumance apaisée a été instauré à l’échelle régionale pour analyser les conditions de la transhumance et faciliter son organisation. Cette dynamique a été renforcée notamment par l’organisation des semaines pastorales, facilitant la coopération transfrontalière. Des instruments ont également été conçus et deviennent opérationnels, comme l’Observatoire régional des Systèmes d’Elevage Mobile en Afrique de l’Ouest et au Sahel (OSEMAOS) destinés à produire des informations fiables et actualisées d’aide à la prise de décisions éclairées d’ordre politique, économique et social sur le pastoralisme et la transhumance.

Parmi les acquis résultants des engagements de N’Djaména, une stratégie régionale à long terme de développement des élevages et de sécurisation des systèmes pastoraux en Afrique de l’Ouest et au Sahel a été élaborée et validée sur la base d’une vision partagée.

 Issue d’un dialogue approfondi avec toutes les parties prenantes, incluant l’ensemble des acteurs concernés par l’élevage cette stratégie s’emploie à une transformation maîtrisée des systèmes d’élevages pastoraux et agro-pastoraux, intégrant la mobilité du cheptel.

CONSIDÉRANT TOUTEFOIS QU’EN DEPIT DE CES PROGRES TANGIBLES, QUE LES CONTRAINTES LIEES AU DEVELOPPEMENT PASTORAL SE SONT AGRAVEES, NOTAMMENT :

La pression foncière croissante liée aux facteurs démographiques et aux changements climatiques dans les espaces ruraux, pastoraux et agro-pastoraux.

 La persistance voire l’extension des grandes pathologies animales dans les zones pastorales et agropastorales.

 Le contexte sécuritaire tendu dans toute la région auquel se sont ajoutés les défis liés au COVID 19 et les répercussions de la guerre russo-ukrainienne.

 La fragilisation du principe de la libre circulation des biens et services défini dans le cadre des organisations d’intégration sous-régionale et qui devait jouer un rôle clé dans la mise en œuvre de la Déclaration de Nouakchott de 2013.

 Ces différentes menaces sanitaires et sécuritaires régionales et mondiales ont conduit plusieurs pays de la région et d’’Afrique de l’Ouest, Sahel et d’Afrique Centrale à prendre des mesures de restriction de la transhumance, avec des conséquences environnementales et socio-économiques considérables de part et d’autre des frontières concernées.

TENANT COMPTE DE CE QUI PRECEDE, NOUS, PARTICIPANTS, AFFIRMONS UNANIMEMENT, QUE :

 Les systèmes d’élevage pastoraux et agropastoraux constituent un maillon essentiel des systèmes alimentaires et un facteur fondamental d’intégration entre pays sahéliens et pays côtiers ainsi que certains pays d’Afrique centrale à travers la production de viande, de lait et des cuirs et peaux. Ils sont aussi porteurs de services multiples, en intégrant des dimensions clés telles que l’adaptation au changement climatique, la transition écologique et la protection de la biodiversité ainsi que la coopération sur la recherche scientifique.

 Il est nécessaire de renforcer les synergies et la coordination des politiques et stratégies, notamment en prenant en compte les besoins des pays côtiers et de certains pays de l’Afrique Centrale (RCA, Cameroun, RDC) dans le développement et en favorisant la complémentarité entre les systèmes d’élevages sédentaires et les systèmes mobiles pour une gestion apaisée des territoires.

La mobilité du cheptel (transhumance, commercialisation) demeure une nécessité qui requiert la coopération et la coordination entre les Etats.

La coopération transfrontalière constitue une pierre angulaire de la prise en charge des défis liés à l’insécurité, à l’économie pastorale et aux dynamiques de déplacement entre les pays du Sahel et les pays côtiers.

 La mise en place dans les territoires concernés de mécanismes idoines (organes de gouvernance transfrontaliers, plans d’actions transfrontaliers communs) tenant compte des enjeux sécuritaires, économiques, écologiques, culturels et sociologiques, constitue une priorité essentielle pour y promouvoir un pastoralisme apaisé.

Dans leurs efforts de développement des échanges transfrontaliers et de maîtrise des flux, les pays doivent renforcer leurs investissements structurants dans les zones de départ et les zones d’accueil.

La prise en compte de la santé animale dans les politiques publiques est cruciale pour maitriser les maladies qui affectent les troupeaux et qui, indirectement, affaiblissent l’économie pastorale et agropastorale ainsi que la sécurité alimentaire des populations locales.

Le renforcement des services vétérinaires et l’amélioration de l’accès aux soins de qualité pour le bétail constituent des priorités.

L’identification harmonisée des animaux et la traçabilité des produits d’origine animale sont indispensables pour soutenir durablement l’économie pastorale et renforcer la résilience des pasteurs et agro-pasteurs.

Les complémentarités et les synergies entre les activités des agriculteurs, agro-pasteurs et pasteurs au niveau des territoires, doivent être mieux affirmées et valorisées face aux enjeux de pression foncière en renforçant les apports spécifiques de chaque système de production à l’économie locale.

 Les initiatives contribuant au renforcement des liens sociaux et économiques entre agriculteurs et éleveurs doivent être promues, territoire par territoire, et des mécanismes et outils de préservation de leurs droits co-construits et mis à disposition des agriculteurs et des éleveurs pour renforcer la cohésion sociale et réduire de manière significative les conflits d’usage sur les ressources naturelles.

La consolidation de la citoyenneté des éleveurs (pasteurs et agro-pasteurs), la revalorisation et la reconnaissance de leur métier, ainsi que la prise en compte de leurs besoins nécessitent des mesures inclusives et concrètes de protection sociale, d’éducation et de formation adaptés aux enfants et aux jeunesses pastorales.

L’amélioration du fonctionnement des instances politiques de gouvernance du foncier et la mise en œuvre d’outils de sécurisation juridique du foncier agro-pastoral sont nécessaires pour une gestion apaisée des ressources naturelles.

L’aménagement et la sécurisation des aires de pâturages et des infrastructures pastorales doivent constituer une priorité et résulter d’une concertation territoriale et transfrontalière inclusive.

Les chaînes de valeur des systèmes pastoraux et agro-pastoraux étant au cœur de l’économie des territoires, leur contribution à la création d’emplois décents et de revenus pour les jeunes (hommes et femmes) doit être renforcée par des services de formation et de conseils, et des financements publics et privés appropriés.

Il est crucial de poursuivre les efforts de soutien à l’émergence d’un secteur privé fort

 Favorisant  l’intégration des systèmes agro-pastoraux dans des chaînes de valeur sous- régionales, de structurer les filières de production de lait et de viande, de moderniser les circuits de distribution et garantir la sécurité sanitaire de ces produits en vue de satisfaire la demande croissante et les exigences des consommateurs en produits animaux et d’origine animale, et réduire la dépendance aux importations.

La coopération entre les Etats eux-mêmes et les organisations inter-gouvernementales de l’Afrique de l’Ouest et du Centre doit être renforcée pour développer plus de synergie d’actions, de politiques et de réglementations du secteur de l’élevage, de l’agriculture et de l’environnement.

AUSSI, NOUS, PARTICIPANTS AU FORUM DE NOUAKCHOTT +10, LANÇONS UN APPEL:

Aux Etats et aux populations, à mutualiser leurs efforts dans un esprit de coopération et d’intégration régionale, de solidarité, de tolérance et de partage pour construire ensemble la paix et le développement des territoires ruraux, pastoraux et agro-pastoraux en valorisant les différents systèmes d’élevage et en renforçant la complémentarité entre agriculture et élevage qui constituent un socle pour le développement inclusif et durable de nos économies, indispensable pour la réduction de la pauvreté dans nos pays.

A toutes les parties prenantes (Etats, OIG, OPR, ONG, OSC, populations, PTF…) à mettre en œuvre des programmes d’opérationnalisation de la stratégie régionale pour le développement des élevages et la sécurisation des systèmes pastoraux en Afrique de l’Ouest et au Sahel, adoptée en 2024.

UNANIMEMENT, NOUS NOUS ENGAGEONS A :

Co-concevoir et à mettre en œuvre des programmes régionaux et nationaux ambitieux, fédérateurs et inclusifs, d’appui au pastoralisme et à l’agropastoralisme intégrant les projets et initiatives de tous les acteurs engagés, couvrant les pays sahéliens et côtiers ainsi que certains pays de l’Afrique Centrale, dans une approche de maîtrise de la transhumance et du commerce du bétail et de développement des chaînes de valeurs associées.

Œuvrer pour que ces programmes s’inscrivent dans les axes essentiels :

• Valoriser le potentiel économique et la contribution à la souveraineté alimentaire des systèmes et filières d’élevage ;

• Améliorer la gouvernance des territoires et des ressources naturelles essentielles à la production et à la résilience des systèmes d’élevage ;

• Promouvoir « Une seule santé » pour améliorer la santé animale et minimiser l’impact des maladies animales sur la productivité animale et la santé publique ;

• Développer un environnement favorable aux investissements publics et privés dans les élevages.

SPECIFIQUEMENT :

 Les Etats de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel s’engagent à  apporter le soutien politique requis et mobiliser des ressources financières et humaines conséquentes, internes et externes pour soutenir l’opérationnalisation de cette Déclaration  à renforcer des dialogues inclusifs nationaux et transfrontaliers sur l’amélioration de la gouvernance des ressources agro-pastorales et l  renforcement des complémentarités entre agriculture et élevage au bénéfice des économies locales, de la paix et de la sécurité dans les territoires .

Les Etats d’Afrique de l’Ouest et du Sahel présents au Forum affirment leur détermination à mobiliser les investisseurs privés à s’engager dans le développement des chaînes de valeurs animales, notamment dans les segments de l’approvisionnement en aliment de bétail inclus le fourrage, ainsi que de la production de viande, des cuirs et peaux, de la collecte et de la transformation du lait local .

 Les Etats d’Afrique de l’Ouest et du Sahel prennent l’engagement d’exhorter les partenaires techniques et financiers à apporter un soutien conséquent pour la mise en œuvre  des priorités nationales et régionales, de façon harmonisée et alignée, en complémentarité avec les budgets nationaux des différents pays concernés ;

Les Etats d’Afrique de l’Ouest et du Sahel engagent les structures nationales et régionales de recherche et les SNRA de la région à soutenir la mise en œuvre de cette « Déclaration » en intensifiant leur investissement dans la recherche et l’enseignement sur le pastoralisme notamment dans la production d’innovations à co-construire avec les acteurs et qui vont permettre au pastoralisme de s’adapter et faire face aux défis climatiques croissants ;

Les collectivités (Communes, Régions, Etats Fédéraux, Provinces) prennent l’engagement d’appliquer des démarches de coopération transfrontalière et d’impulser de façon vigoureuse la mise en œuvre de leur plan d’actions en mobilisant les différents acteurs publics, professionnels et privés de l’élevage et de l’agriculture de ces territoires ;

Les organisations et associations d’éleveurs et d’agriculteurs proclament leur volonté de renforcer leur rôle dans la mise en œuvre des services destinés à leurs membres, dans la facilitation d’un dialogue multi-acteurs pour la refondation du pacte social entre les communautés et dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques.

Les organisations professionnelles régionales (OPR) et leurs organisations membres s’engagent à prendre pleinement part à la préparation et à la mise en œuvre de cette Déclaration Nouakchott +10 en mettant à disposition leur expérience et leur réseau d’organisations de base dans les territoires concernés ;

Les partenaires au développement prennent l’engagement de renforcer et de mettre en synergie leur soutien technique et financier pour assurer la mise en œuvre coordonnée de la nouvelle Déclaration sur le développement des élevages et la sécurisation des systèmes pastoraux en Afrique de l’Ouest et au Sahel ;

Dans la mise en œuvre de son chantier de réforme issu du processus d’évolution, la Banque mondiale s’engage à user de sa capacité de mobilisation globale, pour promouvoir cette Déclaration qui est en phase avec ses priorités stratégiques, notamment en matière de sécurité alimentaire, de mitigation, d’adaptation et de résilience au climat. Ces efforts seront poursuivis dans l’esprit de partenariat avec les autres acteurs internationaux tels que les Banques de développement, les partenaires bilatéraux et multilatéraux, les Nations unies, les Organisations régionales et sous régionales ;

Toutes les parties prenantes s’engagent également à renforcer la sensibilisation des acteurs à tous les niveaux afin de déconstruire les perceptions erronées sur le pastoralisme ;

L’ensemble des acteurs cités s’engage à œuvrer de manière collaborative pour intégrer toutes les actions ci-dessus mentionnées dans une approche résolue de renforcement de la résilience et d’adaptation aux changements climatiques, et à œuvrer sans relâche à identifier les meilleures pratiques et innovations afin de soutenir des systèmes d’élevage contribuant à la séquestration de carbone.

Les participants au Forum de Nouachott+10 demandent au Président en Exercice du CILSS de porter cette Déclaration auprès de ses pairs.

Nouakchott, le 08 Novembre 2024

La Rédaction Journal Agropasteur

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