Alors que s’ouvre à Dakar le Forum Africain sur les Systèmes Alimentaires, paysans et acteurs de la société civile lancent un cri d’alarme. Contrôler les semences est, selon eux, une question de survie et d’indépendance pour l’agriculture familiale, qui nourrit les deux tiers des Africains.Dakar devient le théâtre d’un débat décisif : qui doit contrôler les semences en Afrique ? Pour Amadou Kanouté, directeur exécutif de l’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (CICODEV), la réponse est claire : « Si nous n’arrivons pas en Afrique à contrôler et à maîtriser nos semences, cela va de notre survie. Nous allons dépendre d’autres institutions, d’autres personnes pour avoir la base de cette vie qui est la semence. »Les chiffres confirment l’enjeu. En Afrique, 95 % des terres agricoles sont exploitées par des familles paysannes. Ces exploitations, souvent précaires mais résilientes, nourrissent les deux tiers de la population et emploient une large majorité des actifs du continent. « Derrière chaque assiette consommée, il y a un petit producteur, une famille qui lutte pour faire pousser du maïs, du mil, du riz, du manioc ou des légumes », rappelle Kanouté.Ces hommes et ces femmes constituent le véritable socle de la souveraineté alimentaire africaine. Pourtant, leurs droits sur les semences — conserver, échanger, réutiliser — sont de plus en plus menacés par des politiques et des marchés qui favorisent les semences industrielles au détriment des variétés locales adaptées aux réalités du terrain.Au-delà des semences, c’est toute la durabilité du système agricole africain qui est questionnée. « Où allons-nous prendre nos engrais pour fertiliser nos sols ? Quels seront les impacts de tel ou tel intrant sur nos terres, et quelle orientation politique sera retenue ? », s’interroge encore le directeur de CICODEV.Le Forum de Dakar est présenté comme un espace pour tracer les grandes orientations des systèmes alimentaires du continent. Mais sans la voix des paysans, le risque est grand que les décisions se prennent loin de ceux qui cultivent la terre et nourrissent les populations.Aujourd’hui, l’Afrique doit choisir : continuer à dépendre de l’extérieur pour nourrir ses enfants, ou bâtir une souveraineté alimentaire ancrée dans ses semences, ses savoirs et ses forces propres.Le message est clair. Pour garantir un avenir au continent, il faut écouter ceux qui tiennent la bêche, sèment le mil et récoltent le manioc : les agriculteurs africains.Babacar sene journal Agropasteur
