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De sa contribution publiée le 4 Mars 2025 dans New African. – le Magazine de l’Afrique, titrée : « le cercle vicieux de la dette climatique des pays du Sud: « Hippolyte Fofack tire trois principaux mots clés :Adaptation climatique coopération Financement .Le distingué Hippolyte Fofack ex-économiste en chef de la Banque africaine d’import-export, ancien économiste en chef d’Afreximbank, est membre du réseau de solutions de développement durable des Nations unies (UNSDSN)-( l’université de Columbia,), chercheur associé à l’université de Harvard, membre distingué de la Global Fédération of Compétitivises Councils et membre de l’Académie africaine des sciences. Selon lui  » les pays du Sud empruntent au Nord des sommes considérables pour financer des actions en faveur du climat, aggravant ainsi la crise de la dette alors que le Nord en profite. On dit que les opportunités et les risques vont de pair, les défis du développement incitant les entrepreneurs et les investisseurs à trouver des solutions génératrices de revenus pour faire face aux crises. Or, aujourd’hui, dans notre monde anthropique, où les gens ressentent de plus en plus les effets du changement climatique, la corrélation entre le risque et la récompense devient beaucoup plus tangible. Il faut également considérer que de nombreux investisseurs (tant souverains que privés) qui sont en mesure de tirer parti des opportunités de lutte contre le risque climatique sont ceux-là mêmes qui ont le plus contribué à la crise climatique, polluant leur chemin vers la prospérité. En effet, en transformant le financement de la lutte contre le changement climatique pour les pays en développement en opportunité commerciale, les parties les plus responsables de la catastrophe climatique en récoltent (encore) les bénéfices. Les principes de « justice climatique » et d’« équité et de responsabilités et capacités communes mais différenciées » entre les nations, inscrits dans l’accord de Paris fournissent un cadre pour lutter contre le changement climatique sans creuser l’écart de prospérité mondiale ni accroître le risque de crise de la dette dans les pays du Sud. C’est la triste vérité : les efforts déployés pour lutter contre la crise climatique croissante exacerbent les défis de longue date en matière de gestion macroéconomique et de viabilité de la dette dans les pays du Sud, en particulier en Afrique. Les économies de marché émergentes et en développement ont été poussées dans un piège de la dette néfaste, en acceptant des financements pour lutter contre les effets du changement climatique à des taux d’intérêt prohibitifs, qui augmentent fortement les coûts du service de la dette. D’autres vont s’endetter davantage. Il faut faire davantage au niveau mondial pour promouvoir les principes de justice climatique inscrits il y a près de dix ans dans l’accord de Paris de 2015 et égaliser l’accès à un financement climatique abordable à long terme. En l’absence de telles réformes, les coûts supplémentaires associés à la lutte contre le changement climatique exacerberont encore le compromis dette-climat et compromettront la transition vers une économie neutre en carbone dans les pays du Sud. Près de 60 % des économies en développement les plus vulnérables au changement climatique sont également exposées à un risque considérable de crise budgétaire. Cette intersection croissante et redoutable entre le climat et la crise de la dette concerne plusieurs pays africains, dont certains ont déjà fait défaut sur leur dette extérieure. » Sur les conditions qui freinent la croissance M Fofack interroge une récente analyse des données de l’ONU et de l’OCDE sur le financement de la lutte contre le changement climatique révèle que les programmes financés par les économies avancées réinjectent des milliards de dollars dans ces mêmes pays riches où plus des deux tiers des financements climatiques accordés par ces pays riches et industrialisés aux pays à revenu intermédiaire entre 2015 et 2020 – les dernières années pour lesquelles des données sont disponibles – ont été prêtés aux taux du marché pour garantir des rendements élevés, alors que ces derniers sont déjà confrontés à une réduction de leur marge de manœuvre budgétaire en raison des taux d’emprunt liés aux défauts de paiement qui gonflent considérablement leurs coûts de service de la dette. Au cours de cette période de cinq ans, la France, qui a versé 90 % de son aide bilatérale au financement de la lutte contre le changement climatique aux pays en développement sous forme de prêts, alors que les subventions ne représentaient que 4,9 % de ses contributions au financement de la lutte contre le changement climatique, a obtenu des rendements parmi les plus élevés. Le Japon a versé 79 % de son aide financière pour le climat sous forme de prêts, contre seulement 6 % sous forme de subventions. Ensemble, les quatre principaux contributeurs au financement de la lutte contre le changement climatique – la France, le Japon, l’Allemagne et les États-Unis – ont accordé plus de 70 % de leur aide financière aux pays en développement sous forme de prêts à des taux d’intérêt du marché. L’analyse met également en évidence la manière dont les caractéristiques du modèle actuel de financement de la lutte contre le changement climatique, qui freinent la croissance et imposent des contraintes budgétaires, ont longtemps sapé le développement durable dans les pays bénéficiaires et pourraient compromettre leur transition vers la neutralité carbone. La nature stricte et conditionnelle du financement climatique accordé par les pays riches du Nord s’applique aussi bien aux prêts aux taux du marché qu’aux subventions. Dans les deux cas, les pays bénéficiaires sont tenus d’embaucher ou d’acheter des matériaux auprès d’entreprises des pays prêteurs et de faire principalement appel à des consultants et des sous-traitants de ces pays. »Le Fléau » mot par lequel M. Fofack qualifié le Développement Économique trouve sa raison du fait de la réception par les structures américaines d’au moins 80 % des subventions conditionnelles américaines pour le climat, soit environ 2,4 milliards $. De même, le rapport annuel 2022 de l’Agence française de développement précise que plus de 71 % de tous les projets qu’elle a financés cette année-là impliquaient « au moins un acteur économique français » et ont généré 2 milliards d’euros de « retombées économiques » pour ces parties. L’aide liée aux exportations d’un pays particulier est plus coûteuse et tend à épuiser les rares réserves de change des pays bénéficiaires. Il est généralement admis que les pays bénéficiaires encourent des coûts supplémentaires pouvant atteindre 30 % si l’aide est liée. Pour les pays à faible revenu qui sont plus exposés au « péché originel » d’avoir à emprunter en devises, les risques de change pourraient encore accroître l’incidence budgétaire de ces coûts supplémentaires, c’est-à-dire leur impact sur la société. Pour ces raisons, l’OCDE avait recommandé de s’éloigner de l’aide liée pour permettre aux pays bénéficiaires de recourir à des appels d’offres internationaux pour en supporter les coûts. Le modèle actuel de financement de la lutte contre le changement climatique perpétue l’écart de revenus entre les économies développées et en développement. Au lieu de renforcer les capacités de développement durable et de donner la priorité au transfert de technologie pour améliorer la résilience, l’aide a été conçue pour promouvoir les intérêts géopolitiques et économiques des pays donateurs. La combinaison de l’aide liée et des taux d’emprunt basés sur le défaut de paiement pousse les pays bénéficiaires dans un piège de la dette qui entretient leur dépendance malsaine aux matières premières. Dans toute l’Afrique, qui reste la région du monde la plus dépendante des matières premières – avec une valeur médiane des exportations de matières premières de 90 % de toutes les exportations de marchandises – ce modèle est le fléau du développement économique depuis des décennies, exacerbant les déséquilibres externes et internes à l’origine des crises récurrentes de la balance des paiements. Cette relation asymétrique profite grandement aux pays donateurs et aux investisseurs étrangers. En outre, elle va clairement à l’encontre des leçons que la communauté internationale a tirées de décennies d’aide au développement. Une étude publiée par le FMI montre que l’aide liée a été utilisée pour atténuer la pression sur la balance des paiements du transfert de l’aide et pour développer les possibilités d’emploi dans les pays donateurs, en particulier dans les industries à forte intensité d’exportation, au détriment des pays bénéficiaires à faible revenu. Heureusement, les principes de « justice climatique » et d’« équité et de responsabilités et capacités communes mais différenciées » entre les nations, inscrits dans l’accord de Paris fournissent un cadre pour lutter contre le changement climatique sans creuser l’écart de prospérité mondiale ni accroître le risque de crise de la dette dans les pays du Sud. Au cours des dernières décennies, l’aide assortie de conditions d’embauche strictes a étouffé la croissance des entreprises locales. À l’ère du changement climatique, le financement conditionnel compromettra les perspectives de transfert de technologie, qui sont essentielles pour favoriser les industries vertes et l’expertise locale, encourager la transition des pays bénéficiaires vers la neutralité carbone et soutenir le développement durable. Sans réformes du système financier international qui égalisent l’accès à des capitaux abordables et patients et s’éloignent de l’aide liée, la transition vers une transition mondiale synchronisée et neutre en carbone et la progression vers les ODD (Objectifs de développement durable) resteront hors de portée. Les rendements élevés des investissements climatiques dans les pays du Sud incitent les investisseurs à canaliser davantage de ressources vers les économies émergentes, mais le financement climatique ne doit pas entraîner de nouveaux cas de surendettement. Le modèle de financement, tel qu’il est actuellement constitué, perpétue clairement le flux de ressources rares du Sud vers le Nord, exacerbant les défis à court terme de l’atténuation du compromis dette-climat dans le premier et sapant la convergence entre les deux parties à moyen et long terme. Tant que ces principes ne seront pas appliqués à la répartition mondiale des capitaux, le modèle actuel de financement de la lutte contre le changement climatique continuera d’être considéré comme un modèle conçu, pour paraphraser Andrés Mogro, ancien négociateur sur le climat pour le bloc des pays en développement du G77 et la Chine, par des pyromanes qui « mettent le feu à un bâtiment puis vendent des extincteurs à l’extérieur ».La voie que nous suivons actuellement ne fera qu’exacerber le compromis entre la dette et le climat et compromettre les progrès vers les ODD dans les pays les plus vulnérables, créant ainsi un fossé entre le Sud et le Nord. C’est un facteur de risque que nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer. Si nous le faisons, il y aura bientôt beaucoup trop peu d’extincteurs pour nous sauver. Par Hippolyte Fofack membre du réseau de solutions de développement durable des Nations unies (UNSDSN)

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