
La France pousse depuis des années pour favoriser l’entrée en vigueur d’un traité sur la haute mer la partie de l’océan située au-delà des juridictions des États.
Pour s’appliquer, ce traité négocié à l’Onu doit être ratifié par au moins 60 États. Pour l’heure, 29 signatures ont été déposées. La France espère donc que l’Unoc sera un catalyseur pour en engranger davantage.
Depuis le 20 septembre 2023, une nouvelle étape a été franchie. 115 États, parmi lesquels les États membres de l’Union européenne (UE) dont la France, ou encore les États-Unis, la Chine, les pays du Pacifique ont signé ce traité majeur pour la survie de l’Océan.
L’accord BBNJ est ouvert à signature pendant deux ans. Le nombre important de signatures traduit la volonté politique de procéder à une ratification rapide du traité. La France souhaite qu’il entre en vigueur dès 2025 afin qu’il produise des effets juridiques au niveau mondial.
La haute mer représente plus de 60 % de la surface de l’Océan et près de la moitié de la surface du globe. Elle fait partie des eaux internationales peu protégées et ne relevant pas de la juridiction nationale. Elle abrite des ressources génétiques marines et une biodiversité très riche et peu connue à ce jour par les scientifiques.
L’utilisation de la haute mer procure à l’Humanité des avantages inestimables sur les plans écologique, économique, social, culturel, scientifique et de la sécurité alimentaire.
Cependant, ces espaces sont soumis à une pression croissante due aux activités humaines, à la pollution (y compris sonore), à la surexploitation des ressources, au changement climatique et à la diminution de la biodiversité.
Il a fallu trouver un fondement nouveau pour légitimer l’action des États dans cet espace.
C’est l’action collective autour de la notion de « stewardship » ou intendance qui a permis de poser les bases d’une gestion globale de l’Océan et de ses ressources. La responsabilité de l’État de pavillon s’y applique pour les activités engagées en haute mer. Ce vaste espace, régi par la liberté de la haute mer, ne disposait pas d’une protection spécifique de sa biodiversité marine avant l’adoption de ce nouveau cadre juridique mondial. Cela reflète à quel point l’entrée en vigueur de ce traité est attendue et est primordiale pour la protection de l’environnement marin.
L’usage de la majuscule pour le terme « Océan » comprend toute l’étendue d’eau salée au niveau mondial, c’est-à-dire tous les océans de notre planète.
Les scientifiques considèrent plus précis et cohérent d’utiliser le terme Océan global, car tous les océans sont interconnectés et toutes les activités initiées dans les mers et les océans du monde ont un impact sur l’Océan global.
C’est véritablement un Traité Historique pour l’Humanité et pour la protection de la haute mer ; un tournant décisif en droit international de la mer, grâce aux outils de gestion innovants et ambitieux proposés, la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine devront être assurées dans l’intérêt de l’Humanité et des générations futures.
Ce texte permet maintenant aux États d’agir là où ils n’ont pas pris suffisamment de mesures jusqu’à présent. Par exemple, en les incitant à créer des aires marines protégées basées sur des études d’impact environnemental des activités engagées en haute mer.
Un impératif de signaler et de préciser que ce traité ne porte pas sur des aspects déjà réglementés par des institutions existantes comme les ressources minérales des fonds marins (qui sont distinctes des ressources génétiques marines vivantes). Elles sont gérées par l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) via une procédure et des règles propres (partie XI de la convention des Nations unies sur le droit de la mer) ; la gestion de la pêche reste régie en priorité par les organisations régionales de pêche (ORGP).
Toutefois, le traité BBNJ va mettre en place une coordination et une coopération étroite avec ces organismes pour s’assurer que les objectifs de conservation et d’utilisation durable de la haute mer sont bien pris en compte dans leurs plans de gestion, comme les études d’impact environnemental ou la création d’aires marines protégées.
Des études d’impact des activités humaines sur le milieu marin seront obligatoires pour les États et leurs opérateurs économiques. Avant d’engager une activité en haute mer, les États et leurs opérateurs devront préalablement évaluer leurs impacts potentiels sur le milieu marin et, sur cette base, obtenir une autorisation pour commencer les activités annoncées. Les États et leurs opérateurs sont tenus de démontrer d’avoir engagé tous les efforts raisonnables pour anticiper et prévenir les éventuelles atteintes au milieu marin. En cas de besoin, ils devront également justifier des mesures supplémentaires.
Un accès aux ressources génétiques et un partage juste et équitable en cas de commercialisation des produits issus de ces ressources génétiques marines et de leurs données de séquençage. Tout État, institut de recherche ou laboratoire devront respecter un système de notification préalable et post collecte pour organiser en haute mer des expéditions de collecte de ressources biologiques marines (par exemple, des poissons ou des algues qui pourraient servir à de la recherche et au développement d’un produit qui sera ensuite commercialisé). Le matériel génétique utilisé pour développer des produits, par exemple par l’industrie pharmaceutique, cosmétique ou les biotechnologies devra être tracé à minima. En cas de commercialisation d’un produit, l’utilisateur devra verser une contribution à un fonds mondial pour la préservation de la biodiversité en haute mer.
Les informations ou données de séquençage numérique sur les ressources génétiques marines n’ont pas pu être définies au niveau international, mais il s’agit des informations immatérielles décrivant par exemple, le matériel génétique et qui sont ensuite utilisées pour la commercialisation des produits. Les situations créées par l’utilisation de ces données sont également couvertes par le traité BBNJ et un partage monétaire est prévu via un mécanisme de partage des avantages qui sera établi après l’entrée en vigueur du traité.
Son engagement pour la protection de l’Océan se traduit également, par le lancement en 2021 avec la Commission européenne de la Coalition de haute ambition BBNJ, lors du One Ocean Summit organisé à Brest et pendant la Présidence française de l’UE. Elle vise à rassembler les États pour conclure le traité BBNJ et à les engager sur les aspects les plus ambitieux (études d’impact, aires marines protégées, conservation et utilisation des ressources dans l’intérêt de l’Humanité entière). 52 États ont rejoint cette initiative qui reste un outil important de mobilisation politique pour les travaux de préparation à la ratification.
Babacar Sene BabaClimat Journal Agropasteur